Président du Prix du Packaging
des Épicures de l’Épicerie Fine
Ancien directeur marketing international de la papeterie Arjowiggins, Christophe Balaresque fut Président du Jury du prix du Packaging des Épicures de l’épicerie fine : un concours qui récompense depuis 10 ans les meilleurs produits dans leur catégorie respective, et aujourd’hui reconnu comme référence dans le monde de l’épicerie fine.
Avec Christophe, nous avons parlé de son parcours dans les maisons de papiers fins, de son entrée en tant que sponsor aux Épicures de l’épicerie fine et de la création du prix du packaging. On a également parlé des critères pris en compte dans l’attribution de ce prix, de l’importance du packaging pour les produits d’épicerie fine, de ce qu’est un bon packaging, des erreurs à éviter et des tendances à venir dans le design des packagings alimentaires…
Le site : https://www.aidoma.net/
Instagram : @christophe_balaresque
Son livre Attack the attack.
Le musée de l’étiquette du camembert
Les coups de ❤️ de Christophe :
⭐ Les boissons au Gingembre Gimber
⭐ Les chocolats Encuentro
⭐ Les sirops Lissip
⭐ Les huiles d’Olive Kalios
Un parcours inattendu : de la papeterie à l’épicerie fine
L’impact du packaging dans l’épicerie fine
L’avenir du packaging : entre esthétisme, écoresponsabilité et simplicité
Simplicité et attention au détail : le bon équilibre
Un parcours inattendu :
de la papeterie à l’épicerie fine
Comment passe t’on du monde de la papeterie à celui de l’épicerie fine ?
Lorsque j’avais une vingtaine d’années, je décroche un poste dans une entreprise spécialisée dans la vente de papier. Dès le départ, j’ai été captivé par l’univers du papier, notamment les papiers fins et les papiers de luxe. Très vite, j’ai développé une approche émotionnelle avec ce matériau. Pour moi, il ne s’agissait pas uniquement d’un simple support d’impression, mais d’un véritable support de création, porteur d’esthétisme et de sens.
Dans ce secteur, il existe plusieurs acteurs clés : les imprimeurs, qui achètent le papier ; les marques, qui prennent les décisions ; et les designers, qui conçoivent les supports. Chacun ayant des objectifs et des attentes différentes, il était passionnant de trouver des solutions adaptées aux exigences de chaque partie prenante.
Petit à petit, j’ai gravi les échelons, jusqu’à devenir directeur marketing international d’Arjowiggins, un grand groupe de papeterie. Ce poste m’a permis de voyager à travers le monde et de découvrir à quel point « Paris » était une référence incontournable dans le luxe, la mode, la cosmétique, mais aussi la gastronomie. Nous nous sommes naturellement intéressés au monde de l’épicerie fine pour innover et développer de nouvelles opportunités. Car un bon produit ne se résume pas uniquement à son contenu : l’emballage, le design et l’image qu’il véhicule jouent un rôle primordial dans l’acte d’achat.
Comment est né le « prix du packaging » des Épicures de l’épicerie fine ?
Il y a une dizaine d’années, j’ai été sollicité par le Monde de l’Epicerie fine pour sponsorisé les Épicures de l’Épicerie fine, un nouveau concours récompensant les meilleurs produits d’épicerie fine. À l’issue de cette première édition, j’ai suggéré l’ajout d’un prix dédié au packaging. Car l’emballage joue indéniablement un rôle clé dans l’acte d’achat du consommateur en épicerie fine.
L’idée a séduit les organisateurs, et on m’a confié la présidence de ce jury. Nous examinions minutieusement chaque packaging selon plusieurs critères : l’esthétique, la cohérence avec l’image du produit, la lisibilité du message porté par le design et la capacité à capter l’attention des consommateurs. Nous recevions les créateurs un par un et échangions sur leurs choix graphiques, leurs inspirations et leur stratégie de marque. Mais l’on ne se contentait pas d’attribuer des prix, nous donnions aussi des conseils et cela rendait l’expérience vraiment enrichissante.
L’emballage joue indéniablement un rôle clé dans
l’acte d’achat du consommateur en épicerie fine
Lorsqu’un packaging ne répond pas aux attentes, nous expliquons pourquoi et partageons des recommandations pour les améliorer. Beaucoup d’artisans nous remercient pour ces retours, qu’ils considèrent comme une opportunité précieuse pour affiner leur image et se démarquer sur le marché. Loin d’être un simple concours, ce prix est avant tout une démarche d’accompagnement et de valorisation des producteurs. Un packaging réussi doit refléter l’histoire et les valeurs du produit, tout en restant attirant aux yeux du consommateur.
Aujourd’hui, jouer sur une esthétique « rétro » ne suffit plus pour inspirer confiance. L’authenticité doit être sincère, visible et ressentie, car elle est au cœur des attentes du public en quête de produits d’exception.
L’impact du packaging dans l’épicerie fine
Le packaging joue un rôle essentiel dans le choix du consommateur. Lorsqu’on se retrouve devant un rayon en boutique, on ne peut pas goûter. Et si le vendeur n’est pas là pour nous conseiller, nous choisissons instinctivement le produit qui nous attire le plus visuellement. C’est encore plus vrai lorsqu’il s’agit d’un cadeau. En épicerie fine, beaucoup d’achats sont destinés à être offerts. Un bel emballage montre à la personne à qui on l’offre qu’on a pris le temps de choisir quelque chose de spécial. C’est un véritable marqueur d’attention et de qualité.
Aux Épicures, le packaging représente 15% de la note finale des prix par catégorie. 15%, ce n’est pas un critère mineur ! Cela prouve que le packaging est un élément clé, même là où l’on pourrait croire que seul le goût compte. Les producteurs en prennent conscience et font de plus en plus d’efforts sur cet aspect.
Peux-tu citer des marques dont tu trouves le packaging vraiment réussi ?
Gimber, une boisson sans alcool à base de gingembre a su créer une identité visuelle forte, avec une étiquette inchangée depuis ses débuts. Ils ont ensuite décliné leur design pour de nouveaux produits tout en conservant une cohérence visuelle. En boutique, leur présentation est impeccable : pas uniquement une simple tête de gondole comme en supermarché, mais un véritable élément de mise en scène qui attire l’œil et donne envie de découvrir le produit.
Le packaging représente 15% de la note dans l’attribution
même des prix par catégorie des épicures.
Un autre exemple remarquable est celui d’Encuentro, un chocolatier lillois qui a choisi de mettre en valeur la cabosse de cacao sur ses emballages, avec des illustrations aquarellées très raffinées. Il y a aussi une intelligence graphique dans la conception de leur packaging : lorsqu’on ouvre la tablette, le produit est présenté à l’endroit, contrairement à la plupart des emballages traditionnels. Cette attention au détail renforce l’expérience utilisateur et la perception de qualité.
Enfin, il y a Lissip, une marque de sirops qui mise sur la simplicité et l’élégance. Plutôt que de surcharger l’étiquette, ils ont choisi de laisser la transparence du liquide s’exprimer. Leurs bouteilles mettent en avant la couleur naturelle du produit, ce qui le rend encore plus attractif. Là encore, tout est pensé pour donner une cohérence à l’ensemble de la gamme et offrir une belle visibilité en rayon.
Selon toi, qu’est-ce qu’un bon packaging ?
Un bon packaging doit remplir plusieurs fonctions essentielles : D’abord, il doit informer clairement le consommateur. Il s’agit avant tout de transmettre des informations essentielles sur le produit : ses ingrédients, son origine, son usage… En épicerie fine, c’est un défi, car il faut concilier design et contraintes légales, comme l’ajout de logos obligatoires sur les emballages alimentaires.
Ensuite, un bon packaging est identifiable immédiatement. On doit reconnaître la marque en un coup d’œil. Certaines entreprises investissent même dans la création de leur propre typographie pour renforcer leur identité visuelle, comme l’a fait Air France. Dans l’épicerie fine, cela reste encore rare, mais c’est un véritable levier de différenciation !
Enfin, un bon packaging est pensé pour durer. Il ne s’agit pas forcément d’un emballage réutilisable, mais d’un objet que l’on n’a pas envie de jeter. Cet attachement à l’emballage est un signe de réussite en termes de design et de qualité perçue.
Dans les achats cadeau, un bel emballage montre
à la personne à qui on l’offre qu’on a pris le temps de choisir quelque chose de spécial.
Quelles sont les erreurs les plus fréquentes en matière de packaging ?
De ne pas faire appel à un professionnel du design ! Beaucoup de producteurs d’épicerie fine confient leurs étiquettes à un ami ou à un amateur, sans penser à la lisibilité ou à la cohérence graphique. Résultat : un manque de clarté dans les informations et une perte d’impact en rayon.
Un autre écueil fréquent, c’est l’utilisation excessive des symboles marketing. Par exemple, le label « Made in France » est devenu omniprésent, parfois jusqu’à l’excès. Mettre un drapeau bleu-blanc-rouge sur chaque produit ne suffit pas à convaincre le consommateur si le design global n’est pas cohérent.
Enfin, il y a un problème souvent sous-estimé : la typographie. Trop souvent, on voit des emballages avec plusieurs polices différentes qui ne s’accordent pas bien entre elles. Or, la hiérarchie des informations doit être claire pour guider le regard du consommateur.
Quelles sont les contraintes spécifiques au packaging alimentaire ?
D’abord, il y a les normes de sécurité alimentaire qui imposent l’utilisation de matériaux adaptés au contact avec les aliments. Ces réglementations évoluent régulièrement, obligeant les producteurs à s’adapter en permanence.
Il y a aussi la question de l’éco-responsabilité, avec notamment le retour (timide) de la consigne. Il faut alors être vigilant sur la colle utilisée pour les étiquettes. C’est en plus un vrai problème environnemental, car ces colles finissent souvent dans les eaux usées. Il faut alors opter pour des colles hydrosolubles plus écologiques… mais moins répandues.
L’avenir du packaging passe incontestablement par des solutions plus responsables et mieux pensées. Un bon design ne doit pas seulement être beau, il doit être pratique, lisible et durable. Il ne s’agit pas d’imposer des tendances artificielles, mais de répondre aux attentes des consommateurs en quête de transparence et d’authenticité.
Aujourd’hui, certaines grandes marques ont déjà intégré ces principes, mais il y a encore beaucoup de progrès à faire, notamment pour les petits producteurs. L’objectif est d’allier esthétisme, fonctionnalité et respect de l’environnement pour créer des emballages qui valorisent vraiment les produits qu’ils contiennent.
L’avenir du packaging : entre esthétisme, écoresponsabilité et simplicité
Est ce que les finitions « haut-de-gamme « , comme le marquage à chaud ou l’embossage, sont compatibles avec les enjeux écologiques.
Tout dépend de la manière dont ces finitions sont réalisées. Pour le marquage à chaud, parce qu’il y a un effet métallisé, on imagine immédiatement que ce n’est pas bon pour l’environnement. Mais en réalité, les fabricants de films de marquage ont fait d’énormes progrès sur ce sujet. Des entreprises comme Kurz ou FoilCo ont développé des gammes entièrement recyclables. Aujourd’hui, un marquage à chaud bien réalisé ne compromet pas du tout la recyclabilité d’un emballage, à condition de respecter certains pourcentages de couverture.
Un bon design ne doit pas seulement être beau,
il doit être pratique, lisible et durable.
Par contre, le pelliculage est l’un des procédés les plus problématiques. Il s’agit d’une fine couche plastique appliquée sur le papier pour lui donner un effet brillant ou mat. Cette technique, bien que très répandue dans le luxe, empêche totalement le recyclage. Mais là encore, les industriels s’adaptent : de nouvelles technologies permettent aujourd’hui d’obtenir des effets similaires avec des matériaux beaucoup plus respectueux de l’environnement.
Certaines marques de papeterie, comme Favini, innovent en intégrant des résidus agroalimentaires dans leurs papiers. Que penses-tu de cette tendance ?
L’idée est intéressante et, sur le plan esthétique, c’est une réussite. Ajouter des éléments naturels aux papiers – comme des résidus de fruits, de café ou de céréales – permet d’obtenir des textures originales, sensorielles et uniques. Cependant, il faut être réaliste : ces ajouts ne révolutionnent pas l’industrie du papier.
Pour fabriquer du papier, il faut impérativement une base majoritaire de fibres de cellulose. Même les papiers les plus innovants contiennent au minimum 80% de cellulose, qu’elle soit vierge ou recyclée. Les matières alternatives (coton, chanvre, bambou) peuvent être utilisées, mais elles restent minoritaires dans la composition du papier.
Autrement dit, intégrer du marc de café dans un papier, c’est séduisant et c’est un pas vers plus de durabilité, mais cela reste une touche décorative plus qu’une vraie solution de revalorisation des déchets à grande échelle.
Simplicité et attention au détail : le bon équilibre
As-tu observé des évolutions récentes dans le packaging alimentaire et pourrais-tu prédire des tendances à venir ?
Une tendance claire se dessine : plus de clarté et plus de simplicité.
En tant que président d’un jury dédié au packaging, j’ai constaté que les producteurs font de plus en plus attention à la manière dont ils communiquent leurs messages. Il ne s’agit plus d’accumuler des informations sur un emballage, mais plutôt de hiérarchiser et simplifier ce qui est réellement essentiel pour le consommateur. Cela ne signifie pas forcément un design minimaliste avec un simple papier blanc et quelques mots en noir. Cela peut être un fond coloré, une typographie audacieuse… mais toujours avec une volonté d’aller à l’essentiel.
Cette évolution est aussi un reflet de notre époque : après des années d’excès graphiques et d’accumulation d’informations marketing, les consommateurs recherchent désormais plus de lisibilité, de transparence et d’authenticité.
Aujourd’hui, nous vivons dans une société où le consommateur ne veut plus seulement acheter un produit : il veut comprendre son origine, son histoire, les valeurs qu’il véhicule.
C’est la raison pour laquelle les podcasts et les documentaires connaissent un essor fulgurant. Les gens recherchent du contenu de fond, des récits authentiques, des histoires vraies. Dans un monde saturé d’informations, ce qui capte vraiment l’attention, ce sont les marques qui parviennent à transmettre une vraie personnalité et une vraie vision.
À ce titre, le packaging joue un rôle fondamental dans le storytelling d’un produit.
Tu parles souvent de l’importance du détail. Comment ce souci du détail s’accorde-t-il avec cette quête de simplicité ?
Un bon design, c’est un équilibre entre simplicité et précision.
Si un emballage est trop chargé, l’œil ne sait plus où se poser et le message principal a de grandes chances d’être noyé. Mais si le design est épuré à l’extrême sans aucune attention aux détails, il perd son impact. L’astuce, c’est d’intégrer des détails subtils, mais significatifs : une texture de papier particulière, une découpe originale, une typographie soigneusement choisie… Ce sont ces petits éléments qui créent une vraie identité de marque et qui font qu’un produit se démarque en rayon.
Un professionnel du design graphique sait exactement comment trouver cet équilibre. Son rôle est d’aider les marques à raconter une histoire visuelle cohérente, sans surcharger inutilement le packaging.
Plus de clarté, plus de simplicité et une très grande attention aux détails. C’est ce détail qui va faire la différence.
L’épicerie fine séduit de plus en plus de consommateurs. Pourquoi ?
Acheter en épicerie fine, c’est aussi un choix politique et éthique. C’est vouloir savoir où va son argent, soutenir des artisans passionnés, privilégier des circuits courts et une production plus respectueuse. Bien sûr, tout le monde n’a pas les moyens d’acheter en épicerie fine tous les jours. Mais ceux qui font ce choix veulent un produit qui a du sens, avec une histoire derrière lui.
L’emballage joue un rôle clé dans cette perception. Il doit traduire cette authenticité et cette exigence de qualité. C’est pourquoi le design ne doit jamais être laissé au hasard : il est l’interface entre le producteur et le consommateur.










