Les gens ont tendance à croire que les graphistes sont des artistes. Non.
Que nous avons un « don ». Non plus.
( En tout cas, pas en ce qui me concerne. )
Que l’idée nous tombe dessus comme par magie. Là, parfois, c’est presque vrai.
Mais dans l’ensemble, il s’agit surtout d’un processus créatif à suivre.
Chaque graphiste possède le sien et fait de la manière qui fonctionne le mieux pour lui.
La créativité, ça se travaille, régulièrement
À l’école, on apprend une « méthode », une façon de réfléchir et de penser « créatif ». Puis on passe le reste de sa carrière à s’exercer. L’expérience rend les choses bien plus facile, évidemment, car avec le temps, le cerveau est habitué à penser d’une certaine manière. Mais au final, la créativité en graphisme, ce n’est rien de plus qu’un processus à suivre !
Et parce que vous n’êtes peut-être pas encore prêt à investir dans votre identité visuelle mais que vous voulez malgré tout avoir une image professionnelle qui vous ressemble et vous donne confiance, je partage ici mon processus de création.
Le brief créatif
D’abord, il y a le Brief. Ce document réunit toutes les informations indispensables à la création. ( Retrouverez un article complet ici ) J’ai l’habitude de dire « qu’en graphisme comme en cuisine, on associe des ingrédients bruts avec justesse et équilibre, on transforme et sublime des matières premières » Et bien les éléments de votre brief, c’est votre matière première. Et comme en cuisine, plus les ingrédients sont de qualités, meilleur sera le plat.
Que l’on soit graphiste professionnel ou graphiste d’un jour, sans Brief, on a rien à se mettre sous la dent.
La rédaction du brief
Avant toute chose donc, rédigez votre brief. Rassurez-vous, c’est simple.
Je vous invite juste à répondre aux questions suivantes :
– Présentez votre entreprise / marque, vos produits et vos savoir-faire.
– Expliquez son nom et son histoire.
– Avez-vous une anecdote à partager sur la création de votre entreprise ? Sur votre parcours ?
– Qu’est-ce qui a motivé la création de votre entreprise ? Quel est le but, la cause, la croyance de votre entreprise ?
– Quelles sont les valeurs de votre entreprise ? Quels adjectifs décrivent le mieux votre marque ? (Choisissez des valeurs vraiment différenciantes. La « qualité » est quoi qu’il en soit attendue par vos clients ! )
– Qu’est-ce qui vous démarque de vos concurrents ? Quels sont vos points forts ? Votre VRAIE valeur ajoutée ?
– Quel est le profil de vos clients ? À qui s’adresse votre marque ? Comment vous adressez-vous à eux ?
– Quelles sont les raisons qui pousseraient des clients à acheter vos produits en particulier et non ceux du voisin ?
Surtout, prenez bien le temps de réfléchir aux profils de vos clients. Car en graphisme comme en cuisine, il est indispensable de savoir POUR QUI ET POUR QUOI on « cuisine » ! Vous ne préparerez pas la même chose pour des enfants ou des fins gourmets, pour un déjeuner professionnel ou un dîner romantique, n’est-ce pas ? Ici, c’est pareil.
L’analyse du brief
Dans ce Brief, vous allez isoler des mots-clés qui incarnent votre projet. Notez-les en évidence sur une feuille blanche. Puis, faites des associations d’idées, des « connexions » sous forme de carte mentale. Car l’erreur la plus fréquente de la plupart des gens, c’est d’aller au plus évident ! Vers l’idée que tout le monde aura. Vous êtes brasseur ? Évitez la chope de bière ! Vous êtes maraîcher ? S’il vous plait, pas de simple panier de fruits et légumes ! Ce n’est certainement pas de cette manière que vous ferez la différence.
Ne soyez pas trop littéral
Le conseil le plus important que j’ai à vous donner est donc le suivant : Ne soyez pas trop figuratif.
Votre logo n’a pas nécessairement besoin de représenter votre produit ou votre service ! Il ne doit pas montrer ce que vous faites mais plutôt ce que vous êtes. Vous devez raconter une Histoire pour permettre à vos clients d’y adhérer et de se sentir « connectés » à vous. Profitez-en pour communiquer sur vos valeurs et ce qui vous rend UNIQUE, sur ce qui vous différencie de vos concurrents. Et la meilleure façon de trouver une idée vraiment originale, c’est les associations d’idées.
Voici comment j’ai procédé pour Les enfants du Maraicher.
Les mots clés : Légumes, terre, héritage familial, transmission…
Dans mon cerveau donc : Légume + attachement à leurs terres = racines ; Héritage + famille + transmission = Arbre généalogique. Il se trouve que des racines, ça représente un peu un arbre généalogique à l’envers. Et voilà une bonne idée. Ça raconte une histoire, évoque leurs valeurs, et c’est différenciant parce que ça n’utilise pas le langage visuel habituel du milieu du maraîchage. Rajoutez à cela une couleur rouge, vous êtes sûr de ne pas passer inaperçu ! ( Bon, en vrai, ça demande un peu plus de temps que ça.)
Inspirez-vous
En ce qui me concerne, je consomme quotidiennement du contenu graphique depuis plus de 10 ans, alors j’ai dans mon cerveau une bibliothèque intérieure avec des milliers de références visuelles, dans lesquelles je pioche des « solutions » pertinentes pour mon projet. Mais ce n’est peut-être pas votre cas.
Alors vous devez maintenant partir à la collecte de références visuelles pour vous aidez à définir le style graphique que vous aimez et ceux que vous n’aimez pas. Cela vous aidera à préciser vos envies. Allez voir aussi du côté de la concurrence pour identifier mes codes incontournables de votre secteur à conserver ou d’en prendre le contrepied si c’est cohérent avec votre projet.
L’inspiration est partout
Pour cela, regardez autour de vous, partout et tout le temps. Dans la rue, sur les façades des boutiques, dans les magazines, à la télé, l’inspiration est partout. Et bien sûr, il y a Pinterest, qu’on ne présente plus ! C’est à la fois mon paradis et mon enfer. Il regroupe en un seul endroit toutes les références visuelles dont vous aurez besoin pour votre projet. Ce moteur de recherche fait en quelque sorte ce travail d’association d’idées à votre place.
Et c’est un enfer parce qu’on ne sait jamais quand s’arrêter !
Posez-vous les bonnes questions
On y est, vous avez réuni suffisamment d’inspirations. L’étape suivante, c’est d’identifier des points commun entre les références visuelles qui vous plaisent. Faites-en autant avec celles qui ne vous plaisent pas.
Pour chaque visuel qui a retenu votre intention, demandez-vous toujours :
– Qu’est ce que j’aime dans cette image ?
– Pourquoi a t’elle retenue mon attention ?
– Est-ce l’harmonie générale, la composition, les typographies, les couleurs, le motif, etc. ?
– Comment cela pourrait-il s’appliquer à mon logo ?
– Qu’est ce qu’elle me raconte ? Est-ce que cette histoire correspond à l’image que je souhaite donner à ma marque ?
– Quelles valeurs transmet elle ?
– Comment cela pourrait il être encore plus pertinent pour ma marque ?
– Est ce que cette composition pourrait s’adapter à la longueur/structure de mon nom de marque ?
Cette étape doit vous aider à identifier les éléments à conserver pour votre propre identité visuelle. Peut-être était-ce la typographie du visuel n°1, ou les couleurs du visuel n°4 ou bien la composition du visuel n°10 qui, ensemble, traduisent le mieux visuellement ce que vous souhaitez raconter à travers votre logo ?
Les recherches
Passer par le croquis
À cette étape du processus créatif, je vous conseille d’isoler chaque élément qui a retenu votre attention dans chaque référence et d’en faire une esquisse rapide sur une feuille vierge. Pas de détails, gardez juste l’idée de fond, le concept. Une fois ce travail terminé, ne revenez plus jamais sur vos références et concentrez-vous uniquement sur vos ébauches. Faites reposer quelques minutes, heures, jours selon le temps que vous disposez. Et lorsque vous reviendrez dessus, vous aurez oublié avec précision l’image d’origine. Vous n’avez désormais sous les yeux que vos croquis, « l’essence » de chaque référence que vous aurez gardées. Cela oblige réellement à se réapproprier «l’idée» sans jamais copier le modèle. C’est, personnellement, ma méthode pour ne jamais tomber dans le plagiat.
Couleurs et typographies
La prochaine étape, c’est de vous demander comment chaque concept et mots clés peut être traduit graphiquement, en terme de couleurs et de polices. Je le répète souvent mais la typographie est l’un des deux piliers fondamentaux de votre « ADN » visuel. Dans votre logo, la typographie est l’un des principaux vecteurs de vos valeurs, de votre positionnement. Le choix de votre typographie doit donc être fait avec beaucoup d’attention et de réflexion. Alors comment la choisir ?
Les grandes familles de typographies
On oppose les polices dites à empattement (sérif), aux polices sans empattement (sans sérif). Les empattements sont les petites extensions qui terminent les extrémités des caractères. Une typo avec empattements donnera un côté traditionnel, classique et sérieux. Une typo sans empattements renverra un style moderne, minimaliste et épuré.
Vous avez aussi les scripts et tout un tas de typographies que j’appellerai « fantaisies« . Une typo manuscrite sera plutôt élégante, féminine, créative. Une typo décorative donnera un côté expressif, amusant et ludique.
Chacune de ces familles fait appel à des valeurs, des symboliques et des évocations différentes. Déterminez donc avant tout quel style de typographies correspond le mieux à votre projet et ce que vous souhaitez communiquer. Gardez bien en tête qu’une linéale (sans empattements) ne dira pas de vous la même chose qu’une typographie manuscrite ou qu’une sérif. Et demandez-vous toujours ce que vous voulez raconter à travers votre logo !
Parcourez les fonderies professionnelles
Au moment de choisir votre typo, privilégiez alors des fonderies professionnelles telles que Myfonts plutôt que des typos gratuites trouvées sur Dafont. Pour une dizaine d’euros, vous ferez alors la différence avec une typographie plus travaillée, plus raffinée, plus originale. Vous aurez aussi moins de chance de la retrouvez partout ailleurs…
En plus, les fonderies en ligne offrent toutes la possibilité de rechercher une typographie par mots-clés (ce qu’on appelle les tags). C’est d’une précieuse utilité. Sur le principe d’un moteur de recherches, tapez « vague », « végétal » ou « jungle », que sais-je encore et il vous proposera des typographies correspondantes ( plus ou moins pertinent, c’est sur !) C’est vraiment génial pour trouver une font qui renforce votre concept.
Bien choisir ses couleurs
Comme je vous l’ai expliqué tout au long de cet article, le graphisme n’est pas associé au hasard. Tout doit être pensé pour communiquer un message à l’intention d’une cible particulière. Les couleurs utilisées dans la création de votre logo sont donc toute aussi importantes.
Inconsciemment, nous sommes tous influencés par les couleurs. Les couleurs sont associées à des émotions, elles laissent des impressions différentes, elles entraînent des réactions. De plus, la couleur est une composante visuelle que l’on se remémore facilement, souvent plus que les formes en elles-mêmes. Un mauvais choix de couleurs peut vous empêcher d’atteindre vos objectifs si elles ne transmettent pas le bon message. Vous trouverez sur internet de nombreux sites et ressources sur la symbolique des couleurs. Je me fais l’économie d’approfondir le sujet ici.
La symbolique des couleurs
Mais par exemple, le bleu renvoie une image de confiance, de fiabilité et de sécurité. Ce n’est pas un hasard s’il est utilisé, chez nous, par la police. Les nouvelles technologies, la finance, l’aéronautique l’utilise également. Le bleu peut évoquer également l’infini, l’évasion avec la mer et le ciel, mais aussi la notion de fraîcheur. Sachez aussi que le bleu est la couleur la plus aimée au monde ! Le jaune se rapporte à l’optimisme, la joie, le dynamisme. C’est la lumière, la connaissance. Il permet aussi d’attirer l’attention puisqu’elle se démarque de l’environnement. Le jaune contraste. Les marques l’utilisent pour être visible même de loin.
Mélangez le tout
Vous avez désormais défini le concept de votre logo grâce à vos mots-clés et vos associations d’idées. Puis vous avez identifié le style graphique qui convenait à votre message et à votre cible. Vous avez trouvé la police parfaite pour communiquer vos valeurs et votre positionnement et identifié les couleurs qui provoqueront chez votre public les émotions recherchées.
Maintenant que vous avez entre les mains tous les ingrédients pour votre logo, vous n’avez désormais plus qu’à mélanger le tous ! Bon, vous vous en doutez, ce n’est pas aussi simple en réalité. Pour la prochaine étape, vous allez donc devoir gribouiller, croquer, expérimenter, associer, et recommencer jusqu’à trouver la composition parfaite et pleine de sens pour votre logo.
Trier encore et encore
Il se peut même que vous ayez « trop d’idées » et que vous ne parveniez pas à faire un choix. Je me souviens comme c’était difficile à mes débuts d’indépendante de choisir seule, sans personne pour me guider et faire ces choix à ma place.
Avec les années, c’est devenu beaucoup plus facile. Et ça tient en une question : Je me demande toujours « En quoi cette typo, ce détail, cette couleur communique les valeurs de mon projet ? »
C’est la réponse à cette question qui détermine le sort de chaque idée. Même si c’est toujours frustrant d’écarter une idée qui s’avère « juste » jolie, il y a au final, toujours assez peu de bonnes idées qui cochent toutes les cases.
Passer à la réalisation
Il ne vous reste plus qu’à passer à la réalisation finale de votre logo sur un logiciel dédié mais vous avez désormais la certitude d’avoir une identité unique et original !
Un dernier conseil : Un logo doit toujours être vectoriel pour ne jamais perdre en qualité quelque soit son utilisation / application. Attention donc à ne pas utiliser de photos !